Un contexte climatique qui pousse les éleveurs de moutons à la recherche de surfaces de pâturage additionnelles
Les hausses de températures et le baisses de précipitations en été amènent aujourd’hui les éleveurs de moutons à s’intéresser aux surfaces de pâturage additionnelles : vignes, couverts végétaux, parcours boisés et vergers. L’enherbement des vergers, largement répandu en arboriculture biologique pour protéger les sols et favoriser la biodiversité, pourrait présenter une ressource fourragère d’intérêt pour les éleveurs de moutons du fait de l’irrigation et de l’ombrage des arbres. L’herbe, habituellement broyée par les arboriculteurs, serait ainsi directement valorisée sur pied. Une telle association peut permettre de créer des complémentarités entre les deux systèmes de production.
Les contraintes techniques telles que le parasitisme, l’intoxication chronique au cuivre chez les brebis et les dégâts d’écorçage et d’abroutissement sont des freins majeurs source d’insécurité pour les éleveurs et les arboriculteurs. L’identification de moyens de protection est alors primordiale !
Le projet "ÉCORCE" est un projet multipartenarial porté par le FiBL France et dont les objectifs sont (i) d’évaluer les risques de l’association en vergers basses tiges conduits en agriculture biologique, (ii) d’en capitaliser les performance zootechniques et technico-économiques, et (iii) d’en lever les freins au développement en proposant un nouveau référentiel aux agriculteurs désireux de complexifier leurs systèmes de production. Dans ce cadre, le FiBL France a réalisé deux campagnes d’essais on farm en 2021 et 2022.
Des essais on farm pour étudier la cohabitation entre élevage ovin et arboriculture en saison végétative
Dans sa première année (2021), le FiBL France a évalué (i) différents dispositifs de protection du tronc (manchons de protection, badigeons) et de la strate arborée (fils électriques, produits répulsifs), (ii) le potentiel fourrager, qui a été caractérisé en termes de composition floristique et de valeur nutritionnelle, (iii) le risque d’intoxication au cuivre encouru par les moutons, et (iv) les éventuels problèmes de parasitisme interne spécifiquement liés à l’environnement du verger.
Parmi les dispositifs de protection testés, le dispositif de protection électrique a démontré une réelle efficacité. La pulvérisation d’excréments de mouton a pu ralentir la consommation du feuillage des arbres fruitiers pendant les quatre premiers jours de pâturage. Le comportement d’écorçage n’a pas été observé en période estivale hormis après la consommation intégrale de la ressource (herbacée et arborée) accessible par les ovins.
Le cuivre pulvérisé sur les arbres fruitiers pour protéger contre des maladies (tavelure, cloque, mildiou, etc.) peut s’avérer très toxique pour les moutons sur le long terme. Le FiBL France a récemment pu mettre en évidence le début d’une intoxication chronique au cuivre pour les moutons pâturant en hiver dans des vignes, dans le cadre du projet Brebis & Clairette de Die. Dans ÉCORCE, des suivis sont également réalisés sur ce sujet, puisque le risque est majoré en cas de pâturage printanier, période d’application des produits phytosanitaires. Les premiers résultats montrent en effet que, même si les doses de cuivre sont faibles, la proximité temporelle induit un effet sensible, bien qu’hors de la zone de danger pour les moutons.
Des suivis sont aussi menés sur le parasitisme interne des ovins. L’environnement humide et ombragé du verger, ainsi que le souhait de faire passer le troupeau de manière régulière, pourraient en effet conduire à l’établissement d’une charge parasitaire élevée et dangereuse.
Cette année, d’autres expérimentations ont eu lieu et avaient pour double objectifs:
- L’étude de l’appétence des arbres fruitiers comme déterminant du développement du couvert en fonction de la qualité et de la disponibilité du couvert végétal.
- L’évaluation de l’efficacité de moyens de protection en considérant la flexibilité du comportement alimentaire des ovins et la possibilité d’appropriation de ces mesures par les producteurs, dans l’optique de définir des indicateurs de bonne pratique permettant de sécuriser et pérenniser le pâturage sous verger.
La campagne d’essais s’est achevée à la fin du mois de juillet 2022. L’ensemble des données seront analysées prochainement. La période hivernale à venir sera consacrée à un travail conjoint entre arboriculteurs et éleveurs pour la co-construction d’un outil d’aide à la décision qui pourra être utilisé comme support à la réflexion, en vue de faire un choix entre deux principales options: l’association d’un arboriculteur avec un ou plusieurs éleveurs VS la création d’un atelier d’élevage sur l’exploitation arboricole.